Mona Longueville - Créatrice et Conseils en Steampunk
Créé en 1887 par Arthur Conan Doyle pour son roman policier « L’étude en rouge », Sherlock Holmes est devenu un archétype de détective privé. Avec sa mémoire phénoménale et ses capacités de déduction, aucun mystère ne lui résiste. Je suis très attachée à ce personnage, car j’ai eu la chance de faire partie d’un club dédié à ses aventures quand j'étais petite. Dans cet article, je vais vous parler tout d'abord de ce club - qui a été une belle aventure, puis des raisons de l'utilisation du personnage de Sherlock Holmes dans des œuvres Steampunk, pour finir avec une interview de l'illusionniste et mentaliste Astier Holmes (qui s'inspire, comme son nom de scène l'indique, de notre détective préféré). Sherlock Holmes ou Les Aventures de Sherlock Holmes (The Adventures of Sherlock Holmes) est un film américain d'Alfred L. Werker, sorti en 1939. Fin des années 90, à Amiens. Nous étions une dizaine d’enfants de différentes classes en CM1 et en CM2 à nous réunir chaque mardi soir, afin de lire les enquêtes relatées par l’inspecteur Watson. Un plaisir de frissonner ensemble à cause de la lecture à voix haute du Chien des Baskerville ou du ruban moucheté. Notre passion commune nous avait motivé à organiser un voyage en Angleterre : prendre le ferry, aller jusqu’à Londres, visiter le musée situé au célèbre 221 bis Baker Street, et prendre un goûter chez Mme Hudson. Pour ce faire, pendant un an, nous avons lavé et nettoyé plusieurs voitures, fait du baby-sitting, budgété le voyage au centime près… Nous avons réussi à rassembler un peu plus de la moitié de la somme nécessaire au voyage. Devant notre enthousiasme, nos parents ont complété le reste. Le voyage fut une parfaite bulle de bonheur, et un de mes meilleurs souvenirs d’enfance. Je souhaite une expérience pareille à n’importe quel groupe de fans de littérature. Une de mes premières expériences associatives en somme ! C'est en grande partie ce genre de choses qui m'ont amenée à fonder l'association Steampunk Parisienne la Société des Libellules en 2014, et aujourd'hui à écrire ce blog, afin de parler et de diffuser mon appétence pour ce sous-genre de la science-fiction. Si vous avez des projets concernant la culture Steampunk, je serai ravie de vous faire part de mon expérience en ce domaine. Vous pouvez me joindre via mon formulaire de contact ou via ma page instagram @latetedanslesrouages . Musée Sherlock Holmes sis 221B Baker Street à Londres : un vrai bonheur pour les connaisseurs, des clins d'œil aux différentes aventures sont glissés partout ll n’y a pas d’éléments Steampunk dans les romans canon de Conan Doyle : l’action se passe dans un Londres Victorien tout ce qu’il y a de plus classique. Ces enquêtes policières ont tout de même constitué pour moi une porte d’entrée vers le rétro-futurisme, en me donnant le goût des années 1900 (ça, et un penchant immodéré pour les peintures et affiches de Mucha), et en renforçant mon goût pour la lecture. Comme je l’ai déjà expliqué dans cet article, le Steampunk est un genre littéraire à la base. Aimer lire, c’est un atout non négligeable pour les Vaporistes. Carte postale de Londres en 1905 Alors pourquoi diable se poser la question « Sherlock Holmes est-il Steampunk ou non » ?Dans le Steampunk, on aime s’approprier des personnages, les utiliser afin de les mettre en scène dans d’autres aventures. On continue à les faire vivre, en jouant sur des références communes. On pense au principe du caméo, des petits rôles d'acteurs dans un film ou juste une apparition pendant un plan. Pour les œuvres littéraires, l'auteur Etienne Barillier me signale qu'il convient mieux de parler d'intertextualité, une notion apparue vers la fin des années 60. Par exemple, dans l’excellente uchronie La lune seule le sait de Johann Eliott, on voit interagir l’agent spécial Jules Verne avec Louise Michel… sur une base secrète lunaire. On s’attend, uniquement à l'évocation des noms de l'auteur de 20 000 lieues sous les mers et de la Vierge Rouge, à un sens de l’aventure phénoménal et une volonté farouche. Ce roman leur fait honneur. Comme d’habitude dans le Steampunk, on s’amuse avec l’histoire, avec le "et si…", ainsi qu'avec le merveilleux scientifique... 1er épisode de la saison 16 des Simpsons, pour le Simpson horror Show numéro 15 - Eliza Simpson mène l'enquête ! On retrouve véritablement le personnage de Sherlock Holmes dans différents médias aujourd'hui... Et dans le cas de Sherlock Holmes, on a vraiment de quoi s'amuser ! C’est assez fascinant de voir ce personnage être utilisé dans d’autres œuvres, notamment littéraires, car il y a déjà dans les romans de Sherlock Holmes un rôle prépondérant de la lecture et de l’écriture : le lecteur lit, bien évidemment, mais c’est Watson qui fait la chronique, donc qui écrit, ainsi qu’Arthur Conan Doyle, alors que Sherlock Holmes lui lit les indices, qui sont de l’ordre du microscopique parfois (d’où l’usage de la loupe), avec une tâche d’encre sous un ongle, un rictus lors d’un interrogatoire, et de l’ordre du détritus souvent : une trace de boue rougeâtre sous des pneus – cette boue ne peut venir que d’un seul endroit dans le comté et ces pneus sont usés, mais on reconnaît le tracé caractéristique de tel producteur de pneus, qui officiait de telle année à telle année, et qui a été racheté par un nouveau propriétaire, qui est en fait le beau-frère du boulanger du village d’à côté, et ce boulanger a eu une liaison amoureuse avec la victime quand ils étaient dans la prime adolescence, ce qui en fait un suspect pour l’affaire, c’est élémentaire, voyons... Je ne parodie que légèrement les romans, avouons-le... Utiliser de nouveau le personnage de Sherlock Holmes dans une autre œuvre, c’est ajouter une nouvelle strate de lecture possible à ce mille-feuilles déjà épais ! mais pourtant tellement délicieux à dévorer. En continuant sur le thème de la littérature... Le roman policier, ainsi que le roman gothique, a connu un grand succès dès le 19ème siècle grâce à sa capacité à être le réceptacle des peurs spécifiques de son époque. On part d’une transgression – un meurtre, une tentative d’assassinat, une disparition soudaine – auxquelles on va donner une explication vraisemblable, grâce à la science et à l’esprit de déduction. La pulsion humaine, terrifiante, va être dominée ou éclaircie par la force et la rigueur du détective. La résolution du crime rassure, apaise la situation, aussi bien que le lecteur, qui a assisté aux faits, et à la résolution progressive, en observant le tout, installé de façon confortable, tournant les pages frénétiquement – on est entre la curiosité maladive voir malsaine, la volonté de résoudre le crime avant le héros, ou simplement le plaisir de voir l’intrigue se dérouler jusqu’à la résolution. Vous avez dit catharsis ? Aussi, le merveilleux scientifique bat son plein à l’époque de l’écriture des aventures de Sherlock Holmes : même si les romans canons de Conan Doyle ne mettent pas en scène des machines incroyables, on reste dans cet état d’esprit ou les avancées scientifiques permettront au monde d’être meilleur, et sauvé – littéralement : le détective consultant empêche des crimes, voir des morts. Vu ces conditions, il est facile de rajouter un brin de steampunk dans ces aventures, avec par exemple un robot Watson, des drones en forme de cygnes à la solde de Moriarty sur la Tamise, un métro aérien nouvelle génération peut rallier Kensington à Covent Garden en zigzagant entre les arbres de Hyde Park, un canon de bras avec une loupe améliorée qui permet de voir l'invisible et l'occulte... La seule limite étant bien sûr l'imagination. L'acteur Basil Rathbone dans son rôle de Sherlock Holmes pour le film "Les aventures de Sherlock Holmes" On a donc un personnage puissant, hors-normes, dont l’œuvre est perclus de littérature, de lecture et d’écriture, et qui permet au lecteur une certaine catharsis. Pas étonnant que le monde Steampunk apprécie utiliser ce personnage, et aime lui inventer de nouvelles histoires. En plus, grâce à lui beaucoup de gens connaissent le chapeau Deerstalker. J'approuve totalement. Et oui, un jour je ferai un article sur les chapeaux Steampunk et comment les customiser. Et le Deerstalker en fera partie, évidemment. "Le plus grand des détectives, oui c'est lui, Sherlock Holmes le voici..." Et c'est aussi Mme Hudson, qui envoie du lourd dans cette série magnifique ! Une des adaptations que j’apprécie particulièrement est celle faite en dessin animé par Hayao Miyazaki, créée pendant les années 80, et mettant en scène des canidés anthropomorphes. On apprécie l’imagination débordante de Miyazaki pour les machines improbables – Moriarty pourrait s’associer avec Coyote afin de conquérir le monde avec leurs inventions, ils réussiraient peut être pour une fois – et surtout les engins volants. Comme dans de nombreux films du studio Ghibli – Porco Rosso, Nausicaa, Kiki la petite sorcière ou encore le château dans le ciel – on y voit la passion du vol de Hayao Miyazaki. Mention spéciale pour l'étrange ptérodactyle rose dont se servent les méchants, c'est un régal d'absurdité. Le générique a enchanté les oreilles des enfants des années 80. La chanteuse à la voix d’ange est Amélie Morin, qui a également interprété le générique Candy Candy. La série est très manichéenne, les gentils font le bien, ne laissent pas filer le bandit, les méchants sont punis et attrapés... Mais cela reste extrêmement plaisant à regarder, même près de quarante ans après sa sortie. Selon les pays, on présente Sherlock Holmes comme un renard, ou comme un corgi. Personnellement j’ai toujours cru que c’était un renard… Dans tous les cas, ça reste un fin limier. Entretien avec Astier Holmes, illusioniste, mentaliste, magicien... et Fan de Sherlock Holmes, bien sûr.Ce blog a plusieurs buts. Non contente de vous présenter à travers mes articles ma connaissance et mon expertise en Steampunk, grâce à une décennie de pratique personnelle et associative, je développe également mes capacités rédactionnelles, mes connaissances en référencement internet, de potentiels sujets à donner en conférence lors de conventions (vous pouvez me joindre via le formulaire de contact et ma page instagram @latetedanslesrouages), mais aussi purement et simplement de faire vivre et connaître la communauté. Certains membres sont devenus des amis, et c'est le cas d'Astier Holmes, un magicien et homme de scène de talent, passionné des aventures de Sherlock Holmes, avec lequel j'ai eu la chance de m'entretenir une bonne heure... Ce qui me permet de rajouter à la liste des buts de ce blog : "apprendre à mener le délicat exercice de l'interview" et "apprendre à retranscrire une interview". J'espère donc que cet entretien vous plaira ! J'ai essayé de rester fidèle au maximum au ton de la conversation naturelle et amicale que nous avons eu. Enjoy ! Affiche pour le spectacle Les irréguliers de Baker Street, par Astier Holmes On y retrouve des éléments les codes de Sherlock : la typo des années 1900, le deerstalker, la loupe, une ambiance mystérieuse... avec des éléments Steampunk dans la mise en page. Bonjour Astier, tout d'abord une question simple : comment as tu commencé à t'intéresser à Sherlock Holmes ? Je vais répondre à une question simple avec une réponse compliquée. Je vais prendre un exemple très bête mais assez significatif, même si ça a l’air hors de propos au premier abord... Les spectacles que je tourne le plus sur l’univers de Sherlock Holmes, c’est Jack l’éventreur, et mon spectacle Sherlock et les irréguliers de Baker Street. Il faut savoir que ce dernier spectacle est né d’une demande de mon public enfant, parce que je préparais un spectacle de mentalisme sur Sherlock Holmes pour adulte. Les gamins étaient en mode « je veux venir je veux venir », et ma réponse était « ahem, c’est pas trop pour les enfants, c’est compliqué, y a des notions de psychologie, de science… » et les gamins ont retorqué « oui mais il n'y a jamais rien pour nous en mentalisme ». J’ai donc fait un peu mes recherches, et je me suis rendu compte que c’était vrai, ou pas grand-chose en tout cas. Y avait de la demande, pas ou peu d’offre sur ce créneau, et les enfants s’y intéressent beaucoup, grâce à des gens comme Fabien Olicard ou Viktor Vincent, qui passent à la télé. A part ça, il n’y avait pas grand-chose... En plus, en travaillant là-dessus, je me suis rendu compte que les gamins connaissent tous de plus ou moins loin le personnage ET l’univers de Sherlock Holmes. Des fois c’est juste grâce à une adaptation pour enfants, d’autres fois c’est parce qu’ils ont étudié une nouvelle ou deux par ci, par là… Et je suis tombé, grâce en partie aux festivals littéraires avec lesquels je travaille, sur des études qui affirment que le genre polar-policier est le genre littéraire le plus en vogue, le plus consommé par des enfants*. Cela correspond à un besoin de logique. Tom Clancy disait dans ses romans « La différence entre la fiction et la réalité, c'est que la fiction doit avoir une logique ». Il faut que les choses arrivent pour une raison, qu’il y ait un sens aux choses. Les gamins ont besoin de ça. Le genre littéraire du polar y répond le plus. Dans la vraie vie, il t’arrive des trucs sans raisons, tu peux te manger une merde sur le coin de la gueule, c’est juste parce qu’il te tombe une merde dessus. Oui, tandis que dans la fiction, il faut que ça serve la construction de ton personnage, de ton récit, pour faire avancer l’histoire ? Oui, et je pense que c’est ce besoin d’explication logique, rationnel, qui m’a plu quand j’ai lu Sherlock Holmes. Ce sontt les premiers livres que j’ai lu en dehors de l’école, quand j’étais assez jeune. Je devais avoir 8-9 ans quand je me suis torché l’intégrale, c’est-à-dire 56 nouvelles et 4 romans. Je lisais beaucoup étant gamin. Et comment as tu réussi à concilier Sherlock Holmes et Steampunk dans tes spectacles, du coup ? C’est compliqué de voir ce qu’on rentre dans le steampunk ou non… Des fois des gens me classent uniquement dans le côté cabinet de curiosités, ou le côté spiritisme, car des fois je suis sur un univers plus victorien que steampunk. Mon Sherlock, je l’ai accessoirisé à la Steam, il a un brassard avec la loupe qui se déplie, sur un bras articulé. C’est délicat car le Steampunk c’est de l’uchronie et de la fantaisie, mais historiquement dans le 19ème siècle ya des choses qui rentrent dans l’uchronie. La phrénologie, par exemple. Le galvanisme, aussi. C’est ce qui a inspiré Mary Shelley. Médicalement, à l’époque, ils ont découvert que si tu choquais électriquement un cadavre, cela stimulait les nerfs et ça faisait bouger les membres. Le galvanisme, en gros, c’est les bienfaits de l’électricité sur le corps humain, vivant ou non… Y a beaucoup de disciplines plus ou moins scientifiques qui peuvent entrer dans le Steampunk. Ou tout simplement des appareils d’époque qui ont un groove steampunk. Tu plantes un microscope du 19ème siècle en laiton sur un stand, et le public peut s’extasier sur le côté Steampunk de l’objet, alors que c’est juste un microscope d’autrefois… La frontière est floue entre l'histo et le Steampunk. Mais j’aime bien en jouer. Dans le Steampunk, y a pas vraiment de définition officielle. On est pas d’accord entre nous… C’est comme avec le mentalisme. Le spectacle Animagie, j’y ai glissé des éléments steampunk, alors qu’on est dans une ambiance école de sorciers, avec des potions magiques, des dragons… Et j’ai aussi du Steampunk dans Sherlock, alors qu’il est hyper rationnel. Gravure de Louis Figuier, représentant une séance de Galvanisation, en 1867 Le 19ème siècle c’est un peu le moment de tous les possibles : d’un point de vue scientifique, d’un point de vue révolution industrielle, l’écart se creuse entre les riches et les pauvres, et les bourges ne savent pas quoi faire de ce pognon. Ils vont financer des expéditions, en Egypte par exemple… Y a des séminaires scientifiques dans les facultés de médecine, on découvre de nouvelles techniques. L’essort de la machine à vapeur… Il y a aussi les prémices du pétrole, un peu, la voiture à essence arrive rapidement après. Quand on réduit le steampunk à la technologie à vapeur, pour moi, c’est pas forcé… De nombreuses choses se développent au 19ème. Concernant Sherlock et le steampunk, j’aimerais qu’on parle du côté criminologie et médico-légale. Certaines qui ne sont plus fiables aujourd’hui, d’autres beaucoup plus. Le principe de l’empreinte digitale par exemple : c’est encore reconnu aujourd’hui. Mais à l'époque par exemple, des gars bossaient sur l’identification via les lobes d’oreilles…** Mais la communauté scientifique n’était pas forcément à l’écoute. On en voit un exemple dans le film Sleepy Hollow, quand le personnage du scientifique commence à parler de découvertes, et que les autres personnages ne l’écoutent pas, à cause du poids de la religion (entre autres)… Et le personnage a clairement un côté Steampunk, avec ses goggles hyper fouillées. Je trouve que c’est assez représentatif du flou sur ce qui est steampunk ou pas. Et puis tu peux prendre un contrepied, avec du steampunk médiéval…. Ou Victor Fleury, qui a fait L’empire électrique, avec un 19ème siècle uchronique : la dynastie des Bonaparte a conquis une bonne partie de l’Europe, et a répandu une technologie très steampunk MAIS à base d’électricité. On est à fond dans du Steampunk, alors qu’on a ni du victorien, ni de la vapeur… Affiche du Spectacle "Jack l'éventreur" - Astier Holmes concocte des spectacles pour les petits, et pour les grands... Oui, et je pense aussi au Gaslight Fantasy, avec Le paris des merveilles, où on a un univers Steampunk croisé avec de la féérie. Dans le genre, on a la série Carnival Row, avec des fées, des faunes…. J’aime beaucoup aussi la magie technologique. Quand la magie est étudiée, théorisée, et que c’est la magie qui sert à faire fonctionner des moteurs par exemple. C’est de la magie appliquée. Le steampunk n’est pas forcément cadré. Oui, j’aime beaucoup la phrase « Le steampunk c’est ce que vous en faîtes ». Clairement ! On peut faire du steampunk post-apo si on le souhaite, comme dans le jeu vidéo Guns of Icarus. L’humanité après une apocalypse s’est remise à faire des zeppelins, une ambiance très steampunk… mais c’est du post-apo à la base. J’aime aussi beaucoup la phrase « Arrêtez de parler du Steampunk et faîtes en ». Revenons à tes spectacles : est ce qu'on peut parler de mentalisme pour les capacités de déduction de Sherlock Holmes ? A mon sens, oui, et je dis bien à mon sens, car le problème que l’on a depuis quelques années avec le mentalisme, c’est que la définition n'est pas structurée, au moins linguistiquement parlant. Chaque mentaliste a sa propre définition. Il faut vraiment, selon moi, séparer le mentalisme de la magie, alors que certains pensent que le mentalisme est une sous-branche de la magie. Pour moi Sherlock est une façon de présenter le mentalisme, ce personnage a ce côté-là un peu rationnel, il explique comment il arrive à telle ou telle déduction – sachant que tu n’es pas forcé de le faire en mentalisme « je vais lire dans votre esprit », tu peux très bien le jouer plus mystique – et cela permet de satisfaire un besoin de logique qu’ont les enfants. Les adultes aussi, mais avec ces derniers je me permets peut être un peu plus de flou dans le personnage de Sherlock. Pour les enfants je détaille vraiment mon cheminement de pensée pour arriver à telle déduction : un adulte je peux très bien deviner sa personnalité préférée à ses chaussures, aux bijoux portées… La psychologie d’un adulte va construire et fantasmer un peu le lien entre telle et telle chose, tandis que pour l’enfant je vais plus expliquer. En mentalisme on joue sur des biais cognitifs, des choses qui se rapprochent de l’illusionnisme, de la psychologie… à mon sens ce que fait Sherlock est pleinement du mentalisme. La tatoueuse Macha The Ferret propose de nombreux flashs sur Marseille... J'ai adoré cette planche inspiré de l'univers de Sherlock Holmes ! Ayant déjà un tatouage d'elle, je vous la recommande chaudement pour sa créativité et sa douceur. Raconte nous comment ce personnage a pu t'inspirer pour créer des tours ou des spectacles - sans révéler tes secrets bien évidemment – je pense aux irréguliers de Baker Street par exemple, où au fait que tu te présentes sur ton site web comme détective consultant occulte. Pour commencer, j’ai une petite dizaine de spectacles dans mon catalogue. J’ai Animagie qui est sur un univers onirique, fantastique, école de sorciers et compagnie… J’ai Ghostbusters qui est bien évidemment sur l’univers Ghost Busters, j’ai Sherlock ou je ne me présente pas en tant qu’Astier, mais simplement en tant que Sherlock Holmes – et c’est un spectacle destiné aux enfants. Ensuite, j’ai vraiment un univers propre, que je vais proposer notamment sur ma chaîne youtube, avec les cabinets de curiosités, Jack l’éventreur, les sessions « magie bizarre » que je fais en close up. Quand je présente cet univers, j’explique que c’est une fusion entre Sherlock Holmes et Ghost Busters. Après c’est de la scène, je suis là pour incarner un personnage, qui peut tout à fait changer d’un coup à l’autre, même s’il y a toujours pour ma part pas mal de ma personnalité dans mes personnages ; afin de me faciliter le travail d’improvisation. Le côté détective consultant occulte c’est lié à l’époque où je faisais des missions de consulting chez les gens – chose que je ne fais plus à l'heure actuelle. J’aimais aussi la formule « Maghistorien professionnel » parce que j’ai ce côté très documenté, histo, mêlé à la partie magie et divertissement. C’est un bon mix de tout ça. « Détective occulte », ça me permet de synthétiser un peu tout. Ya le côté rationnel de l’enquête, de démontage de charlatanisme, l’intérêt pour le paranormal… C’est un travail de longue haleine parce que je voulais arriver à avoir une formule de communication adaptée, qui soit compréhensible par mon public. Il ne faut pas faire peur aux gens « oula mais ce mec fait 50 000 trucs différents » et qu’ils ne sachent plus où donner de la tête. Je voulais que les gens se fassent une idée globale de mes spectacles, et qu’après ils comprennent qu’il y a plusieurs shows… Oui, et puis l’avantage de Sherlock Holmes, c’est que direct dès la publication des premiers romans feuilletons, le personnage est rentré dans la culture populaire de façon prodigieuse… C’est ça ! En ce moment on tourne beaucoup avec des scolaires, avec des amis avec qui je travaille et qui vendent le spectacle à des écoles, à des théâtres… Ils me disent que ça marche très bien parce que d’un côté, c’est une sortie, les enfants ne sont pas là pour bosser, par contre on peut très par la suite les faire bosser sur des textes… Il y a à la fois le loisir et la porte d’entrée pour un travail plus scolaire : si le spectacle leur a plu, on peut jouer là-dessus pour les faire étudier et lire. C’est rassurant pour les adultes. Et je voulais appuyer aussi sur un autre point : personnellement, j’ai beaucoup de mal avec le marché du spectacle pour enfants. On confond très vite enfant et « idiot », ou enfant et bébé. C’est quelque chose qui me tient à cœur, et qui m’horripile. J’ai des routines de magie bizarre qui sont plus destinées aux adultes, mais quand je le fais devant des enfants, ils s’éclatent ! Ils flippent, ils sont dedans, et ça se passe merveilleusement bien. On a tendance à prendre les enfants pour les imbéciles, mais on serait surpris de notre régression culturelle au fur et à mesure que l’on grandit, alors que les enfants ont une capacité à être des éponges intellectuelles, et à retenir beaucoup de choses. J’ai travaillé sur un tour avec des capsules temporelles, avec des éléments assez importants de l’Histoire, et les gamins (de dix et onze ans, environ, quand j’ai fait ce tour), tu leur parlais du krach boursier de 1929, ils te disent « oui je connais, c’est ce qui permet de construire les prémices de la seconde guerre, ça fait ci, ça fait ça… » Faut pas croire. Et ce ne sont pas des gamins qui récitent les cours : ils ont retenu des trucs intéressants. Je me souviens par exemple les noms des dinosaures, quand je les ai appris j’étais en primaire, et je m’en rappelle encore. Parce que j’adorais ça. Oui, je trouve que c’est important de considérer les enfants comme des adultes en devenir, c'est plus intéressant de les traiter ainsi. Clairement ! J’ai une routine par exemple avec les décimales de Pi. Fabien Olicard le fait aussi. Les gamins ne connaissent pas Pi, ils ne connaissent pas le concept des décimales. Tout le monde dirait : « ça, ça ne marche pas avec des gamins ». Eh ben si tu leur présentes correctement, même s’ils ont du mal avec l’infinité d’un nombre, la routine leur plaît quand même beaucoup. On a tendance un peu trop à les infantiliser certes, mais ça c’est normal parce que bah… c’est des enfants… Mais surtout à les sous-évaluer. En 2020, j'avais tourné une vidéo avec Astier, avec un tour de magie bluffant ! Tu as tout à fait raison, je pense. Bien : nous avons beaucoup parlé enfants, parlons un peu des adultes, et de notre époque ! Est ce que tu penses que l'ambivalence de Sherlock Holmes (bordélique mais rationnel, asocial mais hyper attaché à la compagnie de Watson, une connaissance encyclopédique mais parcellaire) ainsi que sa méthode scientifique (observation exacte, raisonnement rigoureux) peuvent faire du bien à notre époque, en nous aidant à remettre de la nuance dans nos réflexions et nos interactions ? En gros, est ce que le côté borderline et hyper méga rigoureux niveau scientifique du personnage peut nous aider ? On a dit qu’on se concentrait sur les adultes, et ça me rappelle une question que l’on me pose extrêmement souvent, et qui m'énerve beaucoup : « est ce que tu y crois ? » Les gens n’ont pas ce recul, et souvent je cite Sherlock Holmes. Il faut pas forcément avoir un avis tranché sur les choses. En ce qui concerne la croyance, c’est pas « J’y crois, j’y crois pas… » en parlant du paranormal. J’en parle souvent, et il faut savoir être capable de dire « Je sais pas ». Un des principes de base c’est de comprendre le cerveau humain, pour comprendre de quel biais cognitif on est victime, parce que le meilleur moyen d’éviter ces biais, c’est de les connaître. Je cite donc souvent l’exemple de Sherlock, car il dit qu’il ne faut pas tirer une conclusion avant d’avoir tous les faits. Lui, il le fait d’après un procédé d’enquête, mais je pense qu’on peut l’adapter de façon plus générale. Si on tire une conclusion trop hâtivement, biais cognitif, on va chercher des faits qui vont dans le sens de notre conclusion. On ne va pas être neutre dans le traitement de l’information. On va à tout prix chercher à confirmer ou infirmer une théorie. Parce qu’on part d’une théorie, et on rajoute les faits qu’on trouve. Ce que dit Sherlock, c’est que c’est le meilleur moyen de se planter. C’est un principe qu’on devrait appliquer dans la vie de tout les jours. A mon sens, cela implique vraiment de pouvoir dire « Je sais pas », ce qui est possible de très très peu de gens. Affiche du dernier spectacle Lyonnais d'Astier, en août 2022 Dans ton dernier spectacle que j’ai vu à Lyon (qui était fabuleux d’ailleurs), j’ai été choquée car tu avoues frontalement au spectateur que tu es un bonimenteur, un pickpocket, et que tout ce à quoi on va assister n’est qu’illusions, tromperie et escamotage. Cela n’a pas empêché un spectateur de se laisser quand même duper, et se laisse happer par la mise en scène et une certaine croyance dans le surnaturel, alors que tu leur as fait un démenti juste avant… « Et alors, le fantôme, il était vraiment là, hein ? » Il était persuadé de la présence du fantôme avec nous dans la pièce, alors que ce n’était qu’un tour. A la base, j’essayais d’être clean avec les gens, parce qu’à la base le charlatanisme c’est un gros soucis… Par exemple, quand je me présente comme pickpocket professionnel, les gens restent très premier degré et disent « mais c’est un scandale, il se réclame pickpocket, faut le dénoncer », alors que c’est du spectacle, c’est pour de faux. En plus quand je fais des démos en « pickpo » je suis à fond sur le pénal… Je pense que j’ai toujours été très pointilleux sur l’éthique. Peut-être un peu moins sur les vidéos, pour le délire narratif. En spectacle aussi : je ne vais pas faire une cassure en mode « bon, allez, vous avez eu la belle histoire, maintenant, tour de magie ! ». J’ai toujours été à cheval sur ce côté-là, surtout que je fais des routines avec des tarots, des oracles… c’est un peu délicat. Avant, c’était pour me dédouaner moralement. Maintenant, c’est aussi devenu un automatisme pour me dédouaner légalement. J’ai tellement pris cette habitude… Mais maintenant, je reste aussi sur le fait que les gens croient ce qu’ils ont envie de croire. Tu leur dis c’est pour de faux, ils y croient quand même. Sur certains tours, comme ceux que tu as vu dans mon dernier spectacle à Lyon, j’explique comment certains médiums trichaient à l’époque, comme dans les années 1900. Les gens viennent me voir après « ça, c’est du magnétisme, pas vrai ? » Alors que j’ai expliqué juste avant comment ils trichaient, et que j’allais tricher tout pareil. Conclusion : j’ai triché, j’ai pas fait du magnétisme. Tu as ce besoin que les gens ont… ça rejoint ce que je disais tout à l’heure avec l’incapacité à dire « je ne sais pas » : on est sur du domaine de la croyance (quel que soit le motif, besoin, envie de croire ou conviction…), tu as beau dire ce que tu veux, les gens y croiront quand même. C’est ce que j’expliquais dans mon spectacle avec les exemples de médiums qui se sont fait choper. Les gens dupés par ces médiums disaient « oui mais avec moi c’était pas pareil, je vous assure ». Alors qu’on leur a montré les techniques de triche, que le médium avoue devant une cour sa triche en permanence… Quand je fais du disclaimer en début et en fin de spectacle, je me dis vraiment « peu importe ce que mon public croira, j’ai clairement expliqué que j’étais là pour faire du divertissement, rien de plus, je ne suis pas un gourou ». Je ne veux pas d’adeptes ou de "gens déséquilibrés" après moi. C’est aussi pour ça que j’ai arrêté les missions de consultings chez les gens. J’avais beau leur donner des explications rationnelles, les gens voulaient que je leur dise qu’il y avait un esprit chez eux, et qu’il fallait exorciser. Si tu arrives en disant « ces phénomènes arrivent parce qu’il y a un gisement de roche magnétique, ou une nappe phréatique, ou un autre truc », ça ne leur plaît pas. Ils vont nier le débunkage. Il y a un besoin de croire. Et même quand j’étais face à un cas où je n’étais pas en mesure de prouver qu’il y avait une explication logique, je n’ai jamais pris le parti de dire « oui, y a eu quelque chose, un esprit peut être ». J’ai simplement dit « je ne sais pas. » Extrait de la bande dessinée "Dans la tête de Sherlock Holmes" par Benoît Dahan et Cyril Lieron Revenons au Steampunk : est ce que tu as une œuvre adaptée de l’univers de Sherlock Holmes qui te plaît particulièrement, et que tu recommanderais à mes lecteurs et lectrices ? Ya L’instinct de l’équarisseur de Thomas Day. Et d’ailleurs, lors de ma toute première prestation steampunk, en 2012 je crois, il y avait une rencontre avec cet auteur français. Il a fait une adaptation en version steampunk qui est très très classe. Je peux recommander aussi Sherlock Holmes aux enfers, de Nicolas Lebreton, qui est Lyonnais. L’Enfer appelle Sherlock et Marie Watson pour résoudre un crime. Il y a eu un meurtre commis en Enfer, alors que normalement les gens ne peuvent pas y être tués. Et sinon, mon coup de cœur, les créateurs sont devenus des copains maintenant, le dessinateur et le scénariste sont déjà venus voir mon spectacle Jack l’éventreur. C’est la BD Dans la tête de Sherlock Holmes. Un coffret sort le 28 octobre avec les deux premiers tomes. L’esthétique est géniale, la mise en page sert l’histoire et le propos. Ya la série 1800 aussi… Couverture du 1er tome de la bande dessinée M.O.R.I.A.R.T.Y, aux éditions delcourt J’aime bien parce que je te demande un coup de cœur, et j’ai l’impression que tu vas me sortir toute ta bibliothèque (Astier était littéralement en train de fouiller toutes ses étagères, et il a environ 1500-2000 livres chez lui) ! Y a aussi la BD M.O.R.I.A.R.T.Y, tome 1 l’empire mécanique. On est sur du pur délire steampunk. Je recommande aussi Enola Holmes. J’ai d’ailleurs hâte de voir le deuxième film, qui sort le 4 novembre sur Netflix. Ok, merci pour toutes ces recommandations, et pour cet entretien riche en informations ! J'espère que cela intéressera mes lecteurs et lectrices autant que moi. Qu'ils n'hésitent pas à indiquer en commentaires s'ils ont des questions à te poser... Je te ferais remonter tout ça ! Merci à toi Mona ! Un autre mystère de résolu ! Si cet article vous a plu, merci de le commenter et de le partager, et à la semaine prochaine pour de nouvelles aventures... Salutations vaporeuses, Mona Longueville #steampunk #blogsteampunk #sherlockholmes #aventuresdesherlockholmes #intertextualité #personnagesteampunk #littérature #romanpolicier #détective #culturesteampunk #magie #mentalisme #illusionisme #spectacledemagie #spectacledemagiepourenfants * Pour avoir plus d'informations sur les habitudes de lecture des 7-25 ans, c'est par ici : on y voit que pour fin 2021 - début 2022, les plus jeunes sont très consommateurs de romans ! ** L'identification via la forme des oreilles est encore étudiée de nos jours, d'ailleurs... C'est fascinant, on pourrait écrire une uchronie juste en partant de ce principe. Les ressources qui m'ont aidée à écrire cet article : https://www.quora.com/Is-Sherlock-Holmes-Steampunk https://www.cairn.info/revue-les-lettres-de-la-spf-2008-1-page-17.htm https://www.sciencespo.fr/fr/actualites/sherlock-holmes-logicien-inspirant https://books.openedition.org/enseditions/22725?lang=fr avec notamment cette partie « Plus que le roman gothique ou que le roman à sensation, le roman policier était apte à devenir le réceptacle des peurs pathologiques qui hantent le monde moderne. La mort, la sexualité, la maladie, n’y surgissent ni par hasard ni de manière artificielle. Toute l’intrigue au contraire se noue autour de ces thèmes fondamentaux, sans jamais avoir à basculer dans l’invraisemblable. Le meurtre ou la transgression en sont les conditions préalables. Le whodunnit a ceci de commun avec les contes de fées qu’il autorise à la fois l’exposition et la satisfaction des pulsions élémentaires qui animent l’être humain. Cette constatation première gagne en subtilité lorsque l’on s’attache au roman policier de la période victorienne, dans la mesure où le critique doit lui-même jouer le rôle du détective, l’œil collé au trou de la serrure, tâchant de révéler la réalité des faits au-delà des barrières, des interdits et des tabous psychologiques et sémantiques érigés contre les réalités de leur existence par les contemporains du Maître de Baker Street. »
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Mona LonguevilleForte de mes 10 années d'expériences dans le milieu Steampunk Francophone, je vous propose ici mes conseils et mon retour d'expérience de terrain. Archives
Avril 2023
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