Mona Longueville - Créatrice et Conseils en Steampunk
Vous venez d’être invité à une soirée ou un festival Steampunk ? Un couple d’amis à vous a décider de se marier dans une ambiance Jules-Verne-19ème siècle romantisé, sous le signe de la vapeur ? Et surtout, vous ne savez pas comment vous y prendre ? Cet article est là pour vous aider. Si vous êtes un Vaporiste (aka un adepte du Steampunk) depuis des années, la lecture de ces quelques lignes vous rappellera peut-être de bons souvenirs… ou cela vous donnera envie de partager votre expérience dans l’espace commentaires. Je vous lirai avec plaisir. Le mouvement Steampunk vous invite à créer votre costume. Cela vous permet de laisser parler votre personnalité et votre créativité, et de manifester votre passion pour l’époque du 19ème siècle. Mais cela peut paraître plus facile à dire qu’à faire. Contrairement au cosplay*, vous devez ici créer votre personnage/votre habit de toute pièce. Voici, ci-après, le type de conseils que j’ai donné en tant que membre active de La Société des Libellules, l’association Steampunk de Paris, dont j’ai été Présidente, Secrétaire et Graphiste. Cas n°1 : je n’ai pas très envie de me costumerTout d’abord, je tiens à redire que l’on n’est pas obligé de se costumer afin de profiter d’un événement Steampunk. Ce mouvement se vit de plusieurs façons, par la littérature, par la musique, par les jeux vidéos… Quelqu’un habillé de façon classique en sait peut-être plus sur la culture Vaporiste que quelqu’un costumé. L’habit ne fait pas le moine, ni le voyageur temporel. (Quoique… ?) Par contre, il est clair qu’en ayant pas fait l’effort de se costumer, on profite moins de l’événement. Voir pire : on peut passer totalement à côté. Je m’explique : - vous risquez de passer à côté de jolies rencontres Le costume permet d’avoir un sujet pour commencer une conversation avec quelqu’un, en parlant de quelque chose de plus intéressant que la pluie et le beau temps. « Oh, mais quel superbe haut-de-forme ! Où l’avez-vous acheté ? » « Merci ! Il vient de *insérer ici un nom de boutique*. Et vous, votre montre à gousset, d’où vient-elle ? » « Ah ça, elle vient de mon grand-oncle ! » Et c’est ainsi qu’ont commencé certaines de mes amitiés maintenant vieilles de dix ans. Une fois, un élément d’un de mes costumes s’est retrouvé dans un livre de l’écrivain Nicolas Le Breton, suite à notre première rencontre durant le Salon Fantastique. Si, si, véridique. - vous ne serez pas pris en photo... Et on se souviendra de vous comme la personne qui n’a pas voulu se prêter au jeu. Ou alors on ne se souviendra pas de vous car vous ne serez pas sur les photos. Sachant qu’il suffit parfois d’enfiler un gilet sur une chemise blanche, c’est quand même ballot… (oui, il y a des gens qui n’aiment pas être pris en photo, et je les comprends, et je compatis à leurs malheurs vu notre époque qui adore et vénère les images) - vous n’aurez pas « d’avantages »Quand on se costume, et qu’on a fait un effort, on peut obtenir des choses inattendues. Avoir des shots gratuits au bar de l’événement. Entrer plus facilement dans un lieu. Être mieux placé.e pour une conférence. Et j’en passe. Si vous restez habillé.e de façon classique, vous passerez aussi à côté de ce genre de petits cadeaux que la vie fait aux costumé.e.s. - Les gens passeront l’événement à vous demander « alors, tu ne t’es pas costumé.e ? »Oui. Tout le monde vous posera la question. Et comme d’habitude, une personne, ça va. Dix personnes qui posent la question, c’est tout de suite moins drôle. Cas n°2 : argh, je n’ai pas eu le temps ou le budgetEn tout cas, si par manque de temps ou de moyens, vous ne pouvez pas venir en costume, ne vous prenez pas la tête : tout le monde a débuté, et tout le monde a le droit à la bienveillance. Voici mes quelques conseils pour montrer votre bonne volonté. - Si possible, pas de couleurs vives : Privilégiez le marron, le noir, et le blanc. Sans tomber dans le cliché, le Steampunk ne résume pas qu’au brun, évidemment. Cependant, adopter ce code-couleur vous permettra de faire profil bas, et de paraître moins « classique ». De plus, les photographes sont très présents sur les événements Steampunk : porter des couleurs plus discrètes permettra de ne pas voler la vedette aux personnes en costume. - Niveau vêtements, jouez la carte de la simplicité, avec ce que vous avez déjà dans vos placards : une chemise blanche agrémentée d’un gilet, un pantalon noir ou marron, une petite gavroche sur la tête et hop. Le tour est joué. Concernant les accessoires… Vous aimeriez une montre à gousset en plus, mais vous n’avez pas le temps de courir les brocantes pour en trouver une ? Fabriquez en une fausse en carton ! Pendez au bout d’un fil, amusez-vous à demander l’heure aux gens, en prétextant que la vôtre ne fonctionne plus… C’est un bon moyen pour créer de l’animation, et nouer des liens. C’est à vous de trouver ce genre d’idées, de petites astuces amusantes. - Oubliez vos baskets modernes. Les chaussures sont souvent le petit détail qui valide ou non un costume. Si vous en avez, venez avec des chaussures de ville (chaussures de costumes, bottes, bottines…). Cependant, certaines personnes prennent un malin plaisir à tout de même venir à chaque fois avec des chaussures modernes, et c’est devenu leur marque de signature. A voir à quel point vous assumez… Le point sur les chaussures est comme tout les autres, une indication : de belles chaussures, c’est parfois un budget : vous avez le droit de ne pas sortir tout de suite un costume nickel. Encore une fois, vous débutez, et on ne vous demandera pas de faire tout parfaitement tout de suite. - Avouez que vous ne savez pas faire, et que vous débutez. Les Vaporistes présent.e.s pourront vous donner des conseils pour vous améliorer. Montrez votre curiosité, parlez leur de leur propre costume, demandez s’ils ont fabriqué eux même des éléments, ou s’ils les ont achetés. Notez bien les adresses au passage, ça peut toujours servir. Cas n°3 : Vous avez un peu plus de temps et de budget…Ce qui est beau avec le Steampunk c’est que l’on peut créer de toute pièce un personnage qui nous fait plaisir, qui nous ressemble. On peut soit porter un costume juste pour le plaisir de se vêtir de façon différente de d’habitude, soit pour carrément incarner un personnage. A voir ce qui vous correspond le mieux. - Steampunk et fast-fashionDe plus en plus de magasins de déguisements, ou de boutiques gothiques** proposent des articles inspirés de la mode du Steampunk. Cela peut être un bon moyen de débuter pour se créer un costume. C’est un peu la solution de facilité on va dire, mais on a bien entendu le droit de faire simple et efficace. Je me permettrai juste de rappeler que ces vêtements sont souvent produits à l’autre bout du monde, dans des conditions humaines et syndicales proches du néant absolu, dans des matières qui ne tiennent pas au lavage, et qu’en s’intéressant à un autre mode de vie, on a la possibilité de chercher d’autres moyens de consommer. Je parle ici en tant qu’adepte du Steampunk, mais aussi en tant qu’ancienne ouvrière du textile : déjà, quand on travaille huit heures par jour sur la machine à coudre sous nos latitudes, on a hyper mal au dos et la paye est ridicule vu le travail et les efforts fournis. En Asie, c’est pire. Bien pire. Vous me direz, aujourd’hui, c’est un peu dur de lutter contre la fast-fashion et ses écueils. Et vous aurez raison de me dire ça, parce que c’est en grande partie vrai. Voici cependant mes quelques conseils : préférez le seconde main (en brocante, en fripes, ou encore sur Vinted, on trouve des merveilles). Si vous avez le budget, cherchez des artisans de chez nous. Ils seront très friands de vos commandes personnalisées, ou pourront sans doute vous conseiller des confrères/consoeurs plus aptes à les réaliser. - Jouer sur les archétypesSavant fou, aventurière, riche mécène, voyou des bas-fonds… Je vous conseille de donner une orientation ou un métier à votre costume, bref une histoire, un background.*** Cela vous permettra de définir quels sont les accessoires à créer ou à trouver, afin de rendre votre personnage vraisemblable ou reconnaissable. Par exemple, pour le savant fou, vous pouvez recycler une blouse de chimie des années lycée, avoir à la ceinture ou dans la poche une fiole, des grands gants de jardinage… Vous vous crêpez les cheveux et vous vous barbouillez le visage de suie : une de vos expériences a encore ratée, et votre laboratoire a failli exploser. Une aventurière pourra s’inspirer des personnages de Evy dans la Momie ou de Anna Valerious dans Van Hellsing : on pense praticité, audace, grosses bottes plutôt que des talons, un chapeau pourquoi pas inspiré d’Indiana Jones… Comme chaque archétype, l’important ici n’est pas forcément d’être original, mais de créer un costume qui soit reconnu. On cherche à faire simple, c’est votre première fois après tout. Si vous êtes en mal d’inspiration, n’hésitez pas à faire des recherches par mots-clés sur Pinterest ou google, et à vous créer ainsi une banque d’images d’inspirations. Ces images peuvent vous aider lors de votre shopping, pour faire comprendre le type d’objets et d’accessoires que vous cherchez. C’est en quelque sorte votre mood board, votre planche d’ambiance. Pour ma part, mon premier costume en 2011 - eh oui, je fais du Steampunk depuis longtemps - était une tenue qu'on pourrait qualifier plutôt de néo-victorienne, avec peu d'accessoires, et pas tellement d'accessoires, à part des guêtres, une ombrelle, et un bibi haut de forme fait maison. C'était ma fois bien suffisant pour passer une excellente soirée, et à la fois... il manquait quelque chose pour que cela soit proprement Steampunk. Mais on peut dire que mon costume serait parfait pour un personnage en arrière-plan d'une histoire ou d'une case de BD, comme Les artilleuses de Pierre Pevel et Etienne Willem par exemple. Construire son personnage permet de sortir de l'arrière-plan. - Reconnaître sa droite de sa gaucheQuand on créé un costume pour la première fois, il y a des choses auxquelles on ne pense pas du tout. Votre corps va influer sur votre costume, que cela soit voulu ou non. Pour ma part, je supporte malheureusement de moins en moins le port du corset, pour différentes raisons d'ordre médical. Je cherche donc d'autres façons de me vêtir. D'autres ne peuvent pas mettre certains types de chaussures. Certain.e.s doivent composer avec un fauteuil roulant, une canne, essentiels pour leurs déplacements... Mais que viennent faire la droite et la gauche là-dedans, me direz-vous...? Eh bien c'est simple : les extensions, prothèses ou orthèses mécaniques, sont assez répandues dans le merveilleux monde du Steampunk. Et si on décide par exemple (projet ambitieux) de réaliser un bras "robotisé" pour agrémenter son costume, si on est droitier, mieux vaut le faire pour son bras gauche. Oui, être privé.e de son bras directeur pour une soirée n'est pas forcément une bonne idée. De la même façon, certains gants sont hyper longs à enlever, ou sont coincés sous des couches d'autres vêtements. Pensez pratique. Ou sinon, boire un verre, ou simplement aller aux toilettes deviendra une véritable expédition, au même titre que d'aller sur la lune. - S’inspirer des personnages historiques et/ou fictifsLe Steampunk aime faire entrer dans ses histoires des personnages historiques ou fictionnels. On peut imaginer une rencontre au sommet entre Jules Verne et son capitaine Nemo par exemple. Pour ma part, j’ai fait beaucoup de recherches sur Louise Michel avant le shooting photo pour La France Steampunk, afin de savoir non seulement par exemple son type de coiffure, mais aussi ce qu’elle avait traversé comme épreuves dans la vie. Ce genre de recherches n’est pas essentiel pour un débutant, je vous rassure : cependant, cela vous permettra d’en savoir plus sur le 19ème siècle, et de rendre votre personnage plus plausible. Par exemple, pour la soirée Steam Prolo 2 de la Société des Libellules en juin 2022, qui faisait la part belle aux costumes d’ouvrier.e.s, de voyous et autres personnages en bas de l’échelle sociale du Paris des années 1920, je me suis énormément documentée sur les Midinettes, les ouvrières du textile de l’époque. Cela m’a permis d’en savoir plus sur la vie typique d’une midinette, les problèmes qu’elle pouvait rencontrer au travail avec la cheffe d’atelier, les jalousies avec les vendeuses… J’ai cherché des documentaires, des podcasts, des définitions sur wikipédia, et même des articles d’époque sur Gallica.fr. Je suis donc allée à la soirée avec une flapper dress à sequins pas du tout histo, un chapeau cloche (un peu plus histo), une écharpe avec marqué dessus des revendications… quand on me faisait remarquer que ma robe était un peu cossue pour mon statut social, je répondais en prenant l’accent titi parisien d’alors, que j’avais chopé cette robe au nez et à la barbe de ma contremaîtresse, qu’elle était prévue pour une riche dame, et que je comptais bien utiliser cette robe pour me trouver un mari ce soir, et me sortir de l’atelier. Sans aller dans des recherches qui vous permettraient de passer une thèse, ce type d’interactions rend les soirées plus vivantes, grâce à ce qu’on appelle RP ou RolePlay (ce qui se rapproche du jeu de rôles, ou à la limite du théâtre). On n’est bien sûr pas obligés d’incarner son personnage : c’est un exercice qui est parfois délicat (moi-même je n’ai pas forcément été toujours à l’aise avec le fait de jouer ainsi, j’avais parfois simplement envie juste d’être en soirée, de rencontrer des gens et de boire un verre). On peut juste endosser un costume pour le plaisir de porter des habits différents, et les recherches faites auparavant serviront à alimenter votre conversation. On peut aussi broder autour d’un fait historique, et le détourner. Dire que le carnet relié de cuir que vous avez dans les mains vous a été légué par votre grand-oncle le Dr Watson, et qu’à chaque fois que vous en lisez quelques lignes le soir avant de dormir, des choses semblables se passent en ville… Vous avez donc peur que quelqu’un d’autre lise ce carnet, et ne fasse advenir d’horribles crimes : ce carnet ne vous quitte plus depuis que votre neveu y a inscrit des histoires de dragons, prenant le carnet comme brouillon pour une rédaction fantasque. L’Opéra a brûlé ce soir-là… Là, on se base juste sur le fait que le Dr Watson relatait les événements racontés dans les histoires de Sherlock Holmes par Arthur Conan Doyle, et que l’Opéra de Paris a réellement connu un terrible incendie. On s’amuse avec la réalité historique, on crée autre chose, on fait jouer son imagination. Le Steampunk est basé en partie sur le fait de s’amuser avec les lignes temporelles, avec le principe de l’uchronie. « Et si… ? » Et si cet article vous a été utile, je vous invite à me le dire dans l’espace commentaires. Je suis friande de témoignages sur vos premiers costumes, vos réussites, vos déboires… Idem si vous avez des questions, ou des remarques constructives, je suis là pour converser avec vous. D’autres articles viendront bientôt compléter ce blog. *Je reviendrai dans un futur billet sur les différences entre cosplay, costume, déguisement et autres façons de se vêtir. Oui, il y a beaucoup à dire.
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Mona LonguevilleForte de mes 10 années d'expériences dans le milieu Steampunk Francophone, je vous propose ici mes conseils et mon retour d'expérience de terrain. Archives
Avril 2023
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